Avril 1897
N° 41
Séance du 1er Avril 1897
Le Colonel Vassos a demandé par l'intermédiaire de l'évêque et de l'Amiral russe, à relâcher des prisonniers turcs qui ont été faits à Malaxa, à la condition que ces prisonniers seraient conduits hors de l’île de Crète ; l'Amiral russe se charge de faire savoir à l'évêque que cette question purement militaire pouvait se traiter directement entre le Colonel Vassos et le Commandant militaire à La Canée.
Cet officier supérieur a reçu l'ordre des Amiraux de faire prendre ces prisonniers dans les conditions susdites.
À Hierapetra, le « Sicilia » et le « Troude ??» ont été dans l'obligation de tirer quelques coups de canon sur les insurgés, ainsi qu'il résulte d'un rapport du Commandant du « Sicilia ».
Les Amiraux approuvent la conduite des Commandants qui ont exécuté leurs instructions.
Le Colonel Vassos a écrit aux Amiraux une lettre dont les termes ne laissent aucun doute sur sa volonté d'altérer la vérité. Les Amiraux se borneront à lui accuser réception de sa lettre sans commentaires, mais ils en établiront pour eux-mêmes, une réfutation basée sur les pièces officielles.
Toutefois, ils feront remarquer au Colonel Vassos, en lui répondant, que les officiers des Marines internationales n'ont promis que le désarmement des indigènes et non celui des soldats de Kandamos, et que tout ce qui a été promis a été tenu, comme le démontrent tous les documents officiels en possession des Amiraux.
À bord du « Trinacria », La Sude, le 1er Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Le Trinacria
N° 42
Séances du 2, 3 et 4 Avril 1897
2 Avril
Les Amiraux ont reçu les remerciements du Gouverneur Ismaïl pour le ravitaillement du fort de Selino Castelli et la reprise des positions qui environnent le fort d’Izzedin, opération dont le succès est dû, tout entier, au concours des navires.
Les bâtiments envoyés le 31 Mars au mouillage sous le fort pourront rentrer en rade de La Sude.
3 Avril
Dans la matinée du 3, un grand nombre d'individus ont été aperçus se dirigeant sur l’Akrotiri, par les navires mouillés à La Sude ; mais n'ayant reçu de La Canée aucun avertissement, les Amiraux, mouillés en rade de La Sude, n'ont pas cru tout d'abord à une attaque des insurgés d’Akrotiri par ces bachi-bouzouks. Le poste autrichien, installé de la veille sur l’isthme, n'ayant, de son côté, pu voir passer qu'une faible quantité de ces individus n'a pas donné l'éveil et les navires n'ont pas éprouvé d’inquiétude tout d’abord.
Le Commandant militaire de La Canée, de son côté, n’a eu connaissance du mouvement que fort tard, tous les bachi-bouzouks étant partis, non de la ville, mais des faubourgs.
Il en est résulté que les Amiraux, par crainte de tirer sur des gens paisibles, ont hésité, au début, à donner l'ordre de les arrêter par le canon.
Ce n'est que vers 1 heure du soir que le mouvement hostile des bachi-bouzouks a été bien évident, mais, déjà, les Amiraux italien et anglais avaient envoyé leurs aides de camp en parlementaires sur les crêtes de l'Akrotiri, pour recueillir des informations, et la présence, même, de ces officiers au milieu des bachi-bouzouks et des insurgés où ils se seraient trouvés exposés à la fois aux obus des navires et à la surexcitation des deux partis, a paralysé les moyens de la flotte internationale.
Vers 1h30, une vive fusillade, provoquée par les bachi-bouzouks, a commencé entre eux et les insurgés.
Les Amiraux se sont réunis à terre à La Sude, et là, on a appris que les agresseurs étaient allés dans l'Akrotiri pour s'opposer au transport sur la grande terre des moutons de la presqu'île, transport qu'on leur avait dit avoir été autorisé par les Amiraux. Or, dans la séance du 31 Mars, les Amiraux avaient justement refusé cette autorisation aux insurgés.
Dès le commencement de la fusillade, les bachi-bouzouks se sont repliés sur La Canée.
Les Amiraux ont prié l'Amiral turc d'envoyer un officier dire au Général turc de faire rentrer les bachi-bouzouks à La Canée et de les faire désarmer, l'Amiral italien faisait en même temps donner le même ordre au Commandant Amoretti, et les Austro-hongrois de La Sude étaient envoyés à La Canée pour prêter main-forte à la garnison dans le cas où le désarmement présenterait quelques difficultés.
4 Avril
L'Amiral italien a été informé que dans la soirée du 3, on n’est parvenu à désarmer qu'une quinzaine de bachi-bouzouks qui ont fait quelque résistance et que, dans la matinée du 4, on a continué l'opération par les habitants du village de Kalihut.
On a reçu une lettre du Colonel Vassos, à propos de la remise des prisonniers dont il a été question à la séance du 1er Avril ; l'Amiral italien donnera des ordres au Commandant Amoretti pour que ces 40 individus soient livrés, à Platanias, à un navire dont le Commandant s’engagera, au nom des Amiraux, à ne pas les mettre à terre en Crète.
Les Amiraux ont été invités par leurs Gouvernements à faire savoir aux Crétois que les Puissances n’ont établi le blocus que pour obliger les troupes grecques à partir de Crète et que c'est seulement après le départ de ces troupes que les Puissances pourront connaître exactement ce que désirent les habitants de l’île, alors qu'ils pourront donner leurs avis en toute liberté et sans être soumis à des influences intéressées.
Les Amiraux tenteront cette nouvelle épreuve en faisant appeler de nouveau des chefs insurgés, mais ils ne croient plus au succès d'une démarche déjà tant de fois faite ; tous les Crétois savent fort bien que le blocus n’a d'autre but que de faire partir les troupes du Colonel Vassos.
La fin de la séance est consacrée à la discussion des propositions à faire en commun aux 6 Gouvernements pour le blocus du Pirée. Ces propositions seront rédigées à part.
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 43
Séance du 5 Avril 1897
Les Amiraux sont informés par le Commandant militaire à La Canée qu’une centaine de bachi-bouzouks coupables de l'agression du 3 ont été désarmés et le Général turc a promis d'arriver à les désarmer tous sans exception.
L'opération continuera, avec le concours des troupes internationales, au besoin.

Désarmement des bachi-bouzouks
Malgré la défense qui a été faite par le Vice-Amiral Canevaro au Gouverneur Ismaïl, au nom de tous les Amiraux, de distribuer aux musulmans les 2.000 fusils que le Gouverneur turc avait en réserve à La Canée, malgré aussi les ordres donnés au même Gouverneur à la suite de la séance du 13 Mars, lui prescrivant de ne rendre les armes qu’aux soldats rentrés de Kandamos et non aux indigènes délivrés, les Amiraux craignent que le Gouverneur n'ait distribué quelques-unes de ces armes et prennent la résolution suivante :
Une commission composée du Major anglais Bor et de deux Lieutenants de vaisseau (un russe et un austro-hongrois) se rendra à La Canée pour y faire une enquête et savoir ce qui a été fait des 2.000 fusils que détenait le Gouverneur Ismaïl le 15 Février, alors que lui a été refusée la permission de les distribuer et aussi les armes des Seliniotes délivrés de Kandamos, armes qui devaient rester à bord du navire qui a ramené ces gens à La Canée.
La garde de toutes les armes qui seront retrouvées sera confiée provisoirement au Commandant militaire à La Canée et une décision définitive sera prise après le rapport de la commission.
Les Amiraux, qui ont tous reçu de leurs Gouvernements, l'invitation de faire des propositions pour le blocus du golfe d’Athènes, rédigent d'un commun accord, une dépêche répondant à la question au point de vue purement militaire et tenant compte des difficultés qui résulteront du blocus simultané de l'île de Crète et du golfe d'Athènes.
Dans l'opinion des Amiraux, il est impossible de faire un blocus de la Grèce tant que les navires de guerre de cette nation n'auront pas été enfermés au préalable dans les limites du blocus.
Cette dépêche est la suivante :
1° Le blocus ne commencera que quand les renforts de troupes seront arrivés. Alors seulement on fixera la date.
2° La notification sera faite par les Gouvernements à la Grèce et aux neutres.
3° Elle sera en outre faite à Athènes au Gouvernement hellénique par les représentants des six Puissances.
4° La notification au Gouvernement grec sera accompagnée d'une note faisant savoir :
1° Que tous les navires de guerre devront être rentrés à Salamine à la date fixée sous peine d'y être contraints par la force.
2° Qu’après le commencement du blocus, tout navire de guerre rencontré dans le bassin oriental sera traité en ennemi.
3° Que tout torpilleur venu à portée de l'Escadre internationale sera canonné.
4° Que tout acte d'hostilité commis par un navire de guerre grec contre un navire de l'Escadre internationale sera considéré comme déclaration de guerre aux six Puissances.
5° Le blocus du golfe d'Athènes a pour conséquence celui du golfe de Corinthe.
6° Les Amiraux resteront groupés soit à Poros, soit à Zea.
7° Ils iront au blocus chacun avec 2 cuirassés, 2 croiseurs, 1 contre-torpilleur, 2 torpilleurs.
8° Tous les navires de commerce sont censés connaître la déclaration du blocus.
9° Les limites du blocus seront : dans le golfe d'Athènes la partie comprise au Nord du 37° 26‘ de latitude Nord et à l'Ouest de 24° 2’ de longitude Est de Greenwich ; dans le golfe de Corinthe la partie comprise au Nord du 37° 54’ de latitude Nord et à l'Est du 21° 08’ de longitude Est.
Le Vice-Amiral italien, parfaitement d'accord avec ses collègues, va envoyer comme eux, une dépêche qu'il approuve complètement au point de vue militaire, mais il fait pour son Gouvernement des réserves en ce qui concerne les paragraphes 6 et 7.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 5 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 44
Séance du 6 Avril 1897
Le Commandant Amoretti a fait savoir aux Amiraux que le nombre des bachi-bouzouks désarmés s'élève à 336 à la date du 5 Avril et que le désarmement se continue d'une façon satisfaisante.
Les Amiraux sont d'avis que si la plus grande partie des navires de la flotte internationale doit quitter La Sude pour aller au blocus du Pirée, il sera nécessaire d'arborer les pavillons des Puissances sur le blockhouse d’Animbali au-dessus du fort d’Izzedin et de faire occuper ce blockhouse par une centaine d’Européens.
Un certain nombre des Seliniotes et des gens de Kandamos qui ont été ramenés à La Canée après leur délivrance, se sont joints aux bachi-bouzouks qui ont attaqué, dans la journée 3 Avril, les insurgés de l’Akrotiri.
Pour éviter le renouvellement de faits semblables, les Amiraux vont demander par télégramme à leurs Ambassadeurs, que le Sultan donne l’ordre au Gouverneur Ismaïl, de faire transporter hors de l'île de Crète tous les individus ramenés de Selino et de Kandamos.
Les Turcs ayant remis aux Amiraux trois insurgés de l’Akrotiri qu’ils avaient fait prisonniers, ces insurgés ont été portés à Cerigo par un navire austro-hongrois.
À bord du « Revenge », à La Sude, le 6 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 45
Séance du 7 Avril 1897
Le nombre des bachi-bouzouks désarmés s'élève à 487 à la date du 6 Avril d'après une lettre du Commandant Amoretti.
Cet officier supérieur estime à 500 le nombre des individus armés qui se sont portés vers Akrotiri le 3 Avril ; c'étaient environ 100 gendarmes provisoires licenciés mais non encore désarmés, 100 Seliniotes auxquels d'autres gendarmes avaient prêté leurs armes et 300 habitants de Calicut ??.
Les insurgés d’Akrotiri ont écrit une lettre aux Amiraux pour se plaindre de l'attaque du 3 faite par les bachi-bouzouks. Il est exact que pour ce jour-là toute la responsabilité incombe aux bachi-bouzouks et les Amiraux ont été désolés de ne pouvoir arrêter le mouvement d'agression qu'ils ont reconnu trop tard. Ils ont exposé les raisons pour lesquelles ils n'ont pu agir dans leur procès-verbal du 3 Avril. Ce jour-là même, ils en ont exprimé leurs regrets à un insurgé qui est venu à La Sude en parlementaire, leur porter une plainte. Ils ont décidé immédiatement le désarmement de tous les irréguliers de La Canée.
Les Turcs eux-mêmes avaient déclaré avoir été les agresseurs dans une lettre adressée aux Amiraux.
Une députation de six officiers des six nations ira cette après-midi à Akrotiri, après avoir donné rendez-vous aux chefs insurgés. Elle leur renouvellera l’assurance que les Amiraux rejettent toute la faute sur les bachi-bouzouks, qu’ils regrettent de n'avoir pu montrer aux insurgés leur impartialité en arrêtant leurs agresseurs par la force, mais que le désarmement de tous les bachi-bouzouks a été décidé et est en bonne voie.
Par suite de l'arrivée du Colonel austro-hongrois, on décide que cet officier supérieur aura le commandement militaire de La Sude, qui s'étendra jusqu'au poste austro-hongrois de l'isthme d’Akrotiri inclusivement, le fort d’Izzedin si on est obligé de l'occuper par les forces internationales et que l'Amiral austro-hongrois y soit autorisé par son Gouvernement.
Les postes turcs d'Akrotiri restent sous la dépendance du Commandant militaire à La Canée.
En cas d'attaque de La Canée, le poste austro-hongrois de l'isthme d'Akrotiri serait placé sous l'autorité provisoire du Commandant militaire à La Canée.
Chaque Amiral fera savoir au Commandant Supérieur de sa nationalité devant les villes occupées, que les navires de commerce autorisés à quitter ce port doivent être munis d'une autorisation qu'ils pourront présenter aux bâtiments de guerre chargés du blocus, pour éviter d'être arrêtés.
Le Consul d'Italie a demandé l'autorisation, pour des navires de commerce italiens, de venir charger des caroubes sur divers points de la côte.
Les Amiraux y consentent, à la condition que le Consul fasse connaître à l'Amiral italien les points où ces navires viendront charger et affirme qu'ils n'ont aucun matériel ni vivres à débarquer.
Sur la proposition de l'Amiral français,
Les Amiraux prenant en considération les difficultés que rencontrerait l'exécution du paragraphe 1er de l'article 4 de la dépêche concernant le blocus, proposent à l'unanimité, de le remplacer par le suivant :
1° Que tous les navires de guerre grecs devront rester dans le port où ils se trouveront au moment du commencement du blocus.
Cette modification aurait pour conséquence de laisser les Amiraux libres de se porter au blocus ou de rester en Crète à l'endroit où ils jugeraient leur présence plus nécessaire.
Chacun d’eux enverra à son Gouvernement un télégramme reproduisant ce dernier.
À bord du « Kaiserin Augusta », à La Sude, 7 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 46
Séance du 8 Avril 1897
À la séance du 4 Avril, il a été question, déjà, de télégrammes adressés à plusieurs Amiraux leur recommandant de bien faire comprendre aux Crétois que le blocus cessera le jour où les troupes grecques auront évacué la Crète et les Amiraux ont donné à ce sujet leur opinion. Ils ont, d'ailleurs, reconnu depuis lors, que c'était s'exposer à un échec certain que de faire appeler des chefs insurgés qui ne viendraient pas à leur appel et que, s'ils s'y rendaient, apporteraient la réponse désormais immuable : Nous voulons l'annexion ou la mort.
Aujourd’hui, le Gouvernement anglais, ayant renouvelé cette recommandation à l'Amiral Harris, on a songé à interroger les Consuls, pour le cas où une démarche auprès des chefs insurgés faite par quelques-uns d'entre eux leur semblerait possible et susceptible de succès.
Les cinq Consuls assistent à la séance (celui d'Autriche étant en même temps Consul d’Allemagne).
Les Consuls par l'organe du Consul Général de France, répondent de la façon suivante :
Nous sommes convaincus, avec les Amiraux, qu'aucun des Crétois n'ignore que le but du blocus est de faire partir les troupes grecques, mais ils ne savent au juste ce que c'est que l'autonomie qu'on leur propose et nous-mêmes serions incapables de répondre aux nombreuses questions qui nous seraient posées à ce sujet, puisque les bases des nouvelles institutions sont encore à l’étude.
Notre voyage à l'intérieur ne serait pas seulement inutile, mais nuisible au but que nous poursuivons.
Il serait inutile parce que les Crétois savent déjà tout ce que nous pourrions leur apprendre et que, d’ailleurs, ils souffrent beaucoup moins du blocus qu'on ne le croit généralement, habitués qu'ils sont à se nourrir de peu.
Il serait inutile, parce que tant que les Grecs seront dans l’île, nous serions précédés dans un voyage à l’intérieur, par les mêmes gens qui dictent aux chefs insurgés les réponses faites aux proclamations des Amiraux.
Il serait dangereux, parce que notre démarche semblera un pas en arrière et probablement une promesse de plébiscite après le départ des troupes grecques.
Nous serions très certainement accueillis par les cris habituels « Vive l’annexion !, Vive la Grèce ! » Et ce serait un nouvel échec.
De plus, il nous semble que nous ne devons pas montrer aux Crétois la simultanéité de pouvoirs militaires et civils ; nos personnes doivent s'effacer devant l'action militaire, pour ne reparaître que lorsqu'il s'agira d'organiser un Gouvernement nouveau.
Monsieur le Consul d’Angleterre, dont le Gouvernement insiste plus particulièrement sur l'utilité de ce voyage des Consuls à l’intérieur, est complètement de l’avis de ses collègues.
Les Amiraux ont reçu des lettres du Gouverneur Ismaïl et du Général Tewfik Pacha dans lesquelles, l’un et l'autre reconnaissent la culpabilité des bachi-bouzouks dans la journée du 3 Avril.
Ismaïl, dans sa lettre, affirme que les Seliniotes qui sont allés en armes dans l'Akrotiri y sont allés avec des armes empruntées, et non avec celles qui ont été consignées à bord du « Fuad » par les Amiraux, et qui y sont encore.
Quoi qu'il en soit, les Amiraux sont profondément désolés de n'avoir pu arrêter à temps l'agression de l'Akrotiri, l’engagement qu’ils ont pris à Rakadichi ?? de mettre les Seliniotes dans l'impossibilité de nuire n’a pas été tenu, par suite de circonstances indépendantes de leur volonté, mais ils veulent à tout prix démontrer aux Crétois la sincérité de leurs promesses.
Une enquête va être faite par les Amiraux d'un côté, par les autorités turques d'un autre et les meneurs, s'ils sont découverts, seront punis avec la plus grande rigueur.
Le Vice-Amiral rappellera au Gouverneur sa lettre du 10 Mars dans laquelle il promet de faire fusiller les Turcs qui provoqueront les insurgés.
À bord du « Sicilia » à La Sude, le 8 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 47
Séance du 10 Avril 1897
Dans la séance du 8, et sur un rapport du Commandant du « Rodney », les Amiraux avaient convenu qu'il n'y avait aucun intérêt à faire continuer l'occupation, par les Turcs, des deux blockhouses de Kissamos. Outre que le ravitaillement en est très difficile, ils sont, de la part des insurgés, l'objet d'attaques quotidiennes qui font toujours quelques victimes dans les deux camps.

Le Rodney
Pour éviter ces attaques, on avait décidé que les garnisons des deux blockhouses rentreraient dans le fort, où elles se trouveraient sous la protection réellement efficace des navires, et que les indigènes non armés des environs seraient évacués sur La Canée ; mais l'exécution de cette mesure avait été ajournée jusqu'au retour de l’Amiral austro-hongrois, qui devait se rendre le lendemain à Kissamos.
Cet officier général, dont l'opinion personnelle concorde avec celle du Commandant du « Rodney » et qui a recueilli des avis semblables auprès des Commandants de la « Stephanie » et du « Fearless », a fait exécuter la décision du 8 Avril et prescrit aux Turcs d'incendier les blockhouses en les abandonnant.
Dans le cas où les insurgés viendraient s'y établir, les navires s'efforceraient de les détruire au moyen de leur artillerie.
Le Gouverneur Ismaïl a été informé de ce commencement d’exécution.
Le Gouverneur et le Général Tewfik-Pacha n'ayant pas voulu envoyer de navires turcs à Platanias pour y prendre les prisonniers de Malaxa que le Colonels Vassos offre de rendre, les Amiraux se désintéressent de cette question.
Le nombre des bachi-bouzouks désarmés s'élevait le 9 Avril à 580.
Une perquisition faite dans la maison du Consul de Grèce a amené la découverte de 9 fusils Gras et de munitions. D'après certains renseignements, les appartements, dont les portes sont scellées, en renfermeraient encore une certaine quantité. Ces armes et ces munitions, pouvant être une tentation pour des individus que la présence des scellés ne saurait arrêter, on décide qu'une commission de la garnison procédera à une visite minutieuse, fera mettre en sûreté les armes qu'elle pourra trouver, et apposera de nouveau les scellés sur les appartements.
Recommandation sera faite aux Commandants militaires des villes occupées par les forces internationales, de surveiller le déchargement des navires, de s'assurer que rien n’est mis à terre à destination des insurgés et de vérifier qu'il n'est débarqué ni armes ni munitions par les bâtiments de commerce qui auraient étés autorisés à décharger.
À bord du « Sicilia », à La Sude, 10 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 48
Séance du 12 Avril 1897
Les prisons de La Canée renferment actuellement 70 individus dont la garde exige un poste international, et il est à craindre qu’à un moment donné ces malfaiteurs dangereux se trouvent rendus à la liberté, à la suite de troubles toujours possibles.
Le Gouverneur Ismaïl n'a pas le pouvoir de les envoyer hors de l’île, sans autorisation de Constantinople, mais il se soumettrait volontiers à un ordre des Amiraux lui prescrivant de renvoyer ces gens dans une prison quelconque de l'Empire turc, à Smyrne ou à Rhodes par exemple.
Cet ordre lui sera donné au nom des Amiraux.
Le Gouverneur Ismaïl a réussi à faire arrêter un des meneurs de l'agression du 3 Avril et compte en faire arrêter un second. Il va demander au Sultan à les expédier à Smyrne pour les faire juger, car il ne se sent plus l'autorité nécessaire pour faire rendre la justice en Crète.
Il demande en même temps au Sultan à faire transporter en Tripolitaine les 150 Seliniotes qui ont pris part à cette agression et les Amiraux y consentent volontiers, ils feraient au besoin escorter le navire turc qui les emporterait.
Un individu, se disant agent d'une société de bienfaisance d’Athènes, est venu trouver l'Amiral Canevaro et, prenant texte de ce que Sir Curson, à la Chambre des Communes, avait déclaré que les Amiraux donneraient des vivres aux femmes et aux enfants, venait réclamer l'exécution de ces promesses.
Renvoyé à l'Amiral Harris, ce dernier l'a éconduit par ces paroles :
Nous ne demandons pas mieux que d'aider à vivre les gens inoffensifs, et nous cherchons le moyen de les secourir sans nous exposer à faire profiter de nos largesses ceux qui entretiennent la guerre civile. Quand vous aurez trouvé ce moyen, vous nous en ferez part, nous l'appliquerons.
L'Amiral austro-hongrois rend compte que les blockhouses de Kissamos ont été abandonnés et incendiés par les garnisons turques dans la nuit du 10 au 11 Avril et que les troupes sont maintenant enfermées dans le fort, conformément à la décision prise le 8 Avril et confirmée le 10.
À bord du « Sicilia » à La Sude, 12 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 49
Séance du 14 Avril 1897
Les insurgés d'Akrotiri ayant construit un petit mur pour abriter leurs avant-postes situés en face de ceux des Turcs, la question s'est posée de savoir si cette construction pouvait être tolérée.
Une délégation de 6 officiers des 6 nations, s'est rendue sur les lieux, dans l’après-midi du 13, et a constaté que ces quelques pierres accumulées avaient un caractère purement défensif.
Or, l'attaque dont les insurgés ont été l'objet, de la part des bachi-bouzouks, le 3 Avril, les autorise à prendre pareille mesure et, en construisant cette barrière sur les positions qu'ils occupent déjà, ils n'enfreignent en rien les ordres des Amiraux.
Six de leurs chefs se sont présentés à bord de la « Sicilia » dans la matinée du 13 ; ils ont été informés que les Turcs vont être retirés de tous les postes au Nord de la route entre La Sude et La Canée et remplacés par des troupes internationales.
Ils en ont manifesté une très vive satisfaction et les Amiraux espèrent que le calme sera pour toujours assuré de ce côté.
Le Général Tewfik-Pacha a ensuite été invité par les Amiraux à céder aux troupes européennes les trois avant-postes turcs placés au Nord de la route, et à faire rentrer les garnisons turques au Sud de cette route ; il n'a fait aucune objection et des ordres seront donnés au Commandant Amoretti pour faire occuper chacun de ces trois postes par une nation différente. Le pavillon de la nation sera arboré sur le poste occupé par elle.
Les Amiraux décident que pour resserrer encore l'intimité des troupes internationales et leur démontrer la solidarité qui doit exister entre elles, elles seront simultanément passés en revue le lendemain à 2 heures de l'après-midi, à La Canée, par les cinq Amiraux et le Commandant Supérieur allemand.

Revue militaire du 15 Avril 1897
D'après les renseignements reçus par l'Amiral Canevaro, la tranquillité laisse beaucoup à désirer à Hierapetra.
En temps ordinaire, Hierapetra serait, paraît-il, un des points de la Crète où l’entente règne le mieux entre Crétois et Musulmans et il semble que le calme se rétablirait si on pouvait faire partir les quelques Musulmans fauteurs des troubles.
Sur la proposition du Vice-Amiral italien, on décide que le Contre-Amiral Gualterio va se rendre à Hierapetra pour étudier ce qu'il y aurait à faire pour apaiser la population, soit en proposant aux mécontent de les transporter ailleurs, soit en prenant toute autre mesure.
À bord du « Maria-Theresia », à La Sude, 14 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 50
Séance du 16 Avril 1897
Les Amiraux ont appris, d'une façon indirecte, que le Colonel Vassos aurait à son camp plus de 200 blessés ; il manquerait de médicaments et d'objets de pansements et ne voudrait pas s'adresser aux Amiraux pour leur demander quoi que ce soit.
Les Amiraux regrettent cette détermination, mais croient de leur dignité de ne pas proposer leurs services ; ils essaieront cependant de faire savoir au Colonel, par la même voie, qu’ils seraient volontiers venus en aide, soit en lui envoyant des médecins et des médicaments, soit en le laissant évacuer ses malades par Platanias, soit même en les conduisant au Pirée avec un de leurs navires.
Le renseignement officieux qui précède, concorde assez mal avec une requête officielle présentée au Commandant Amoretti par le personnel de la Croix-Rouge d'Athènes installé à Platanias : on s'explique mal, en effet, le départ de médecins au moment où leur présence serait utile ; toutefois, on leur fera répondre par le Commandant Amoretti qu’ils sont autorisés à partir et à emmener les malades et blessés s'ils le désirent. On leur fournira même les moyens de rentrer au Pirée.
L'Amiral anglais expose que, pendant que les Musulmans bloqués à Candie meurent de faim, les vivres qui sont sous scellés à bord des navires saisis se perdent. Cette question a déjà été envisagée une première fois, mais on espérait alors que le blocus serait de courte durée et on désirait ne pas toucher à ses vivres.
Aujourd'hui les Amiraux décident que les vivres seront débarqués et conduits à Candie après avoir été évalués par une commission, et livrés au Gouverneur turc qui donnera reçu de leur valeur en argent. Le même Gouverneur s'engagera à rembourser la valeur de ces vivres aux propriétaires, après en avoir distrait la somme nécessaire pour indemniser les Gouvernements qu’y on eut à nourrir les équipages de ces navires saisis. L'Amiral anglais se chargera de toute cette opération et fera transporter les vivres à Candie.
Les 150 Seliniotes qui ont pris part à l'attaque d’Akrotiri du 3 Avril ont été condamnés à être transportées à Benghazi (en Tripolitaine).
Le Gouvernement turc ayant déclaré ne pouvoir les y transporter avec ses navires qui n'ont pas de charbon, les 150 Seliniotes et leurs familles seront conduits par le « Tyne » et, si ce navire est insuffisant, par « l’Eridano ».
En ce qui concerne l'évacuation des prisonniers de droit commun, il est décidé que, par analogie avec la détermination prise le 12 Avril pour les 70 de La Canée, ceux de Rethimno, de Candie, et de Sitia, seront conduits à Smyrne ou à Rhodes par les soins des Amiraux auxquels appartient le commandement supérieur dans ces villes.
À bord de « l’Amiral Charner », à La Sude, le 16 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 51
Séance du 18 Avril 1897
L'Amiral turc a fait savoir à l'Amiral Canevaro qu’il a reçu une dépêche de son Gouvernement, l'informant que la Turquie a déclaré la guerre à la Grèce.
Dans ces conditions, il craint que la frégate turque, toujours mouillée sous Izzedin, prenant pour des Grecs les torpilleurs des six Puissances, n'ouvre le feu sur eux et il demande comment on fera pour les reconnaître. Il demande aussi ce que devrait faire le fort d’Izzedin, s'il voyait passer dans ses canons un bâtiment supposé grec.
D'autre part, les Amiraux ayant été informés depuis longtemps que le Colonel Vassos, dans le cas où la guerre serait déclarée entre Turcs et Grecs, attaquerait tous les ouvrages sur lesquels flotterait seul le pavillon turc, décident :
1° L’îlot de La Sude sera occupé par un détachement de 25 marins italiens et 5 allemands.
2° Le fort d’Izzedin et le blockhouse d’Animbali placé au-dessus, seront occupés par 25 marins anglais, 25 français, 25 austro-hongrois et 25 russes répartis par le Major Bor, qui aura le commandement des deux postes ; deux nations occuperont le fort, deux autres le blockhouse.
3° Les pavillons des nations représentées dans chaque ouvrage seront arborés à côté du pavillon turc.
4° L'occupation aura lieu à 5 heures du soir, pour que les insurgés aient vu les pavillons des six nations avant la nuit et puissent le rapporter au Colonel Vassos avec lequel ils sont en communication.
5° La frégate turque n’ayant plus à protéger Izzedin pourra rentrer dans la baie de La Sude.
6° Les Amiraux s'entendront pour mouiller, chaque nuit, sous l’îlot de La Sude, un torpilleur qui concurremment avec les postes d’Izzedin et de l’îlot, signalerait les navires suspects.
On décide encore que dès le lendemain le Commandant militaire à La Canée fera occuper les trois postes de l’Akrotiri, comme cela a été convenu dans la séance du 14 Avril et ensuite, si besoin était, aussi le fort de Perivolia, dans les conditions où se trouve, déjà, celui de Soubachi.
D'après un télégramme de l'Ambassadeur français à Constantinople à l'Amiral Pottier, des ordres sont donnés par le Ministre turc des Affaires étrangères pour laisser les Musulmans de bonne volonté quitter la Crète, mais non pour y obliger ceux qui n’y consentiraient pas.
Ce télégramme est porté à la connaissance des Amiraux.
L'Amiral Canevaro fait connaître qu’il s'est entendu avec les autorités turques, pour que les Seliniotes condamnés à la transportation soient conduits à Benghazi par un navire turc, auquel il sera donné du charbon et qu'il fera convoyer, soit par un de ses bâtiments, soit par quelque autre de l'Escadre Internationale.
Déjà, les six individus qui ont été les meneurs de l’agression du 3 Avril ont été envoyés à Smyrne.
Les Commandants Supérieurs des villes occupées devront inviter les Gouverneurs turcs de ces villes à informer les populations que tout individu surpris détruisant des oliviers, ou vendant du bois provenant d'oliviers fraîchement détruits, sera arrêté et emprisonné.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 18 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 52
Séance du 20 Avril 1897
L'Amiral français communique une lettre de son Gouvernement relative à une observation émanant de jurisconsultes de la Couronne d’Angleterre, à propos des limites du blocus établi en Crète. Pour donner satisfaction à cette demande, on décide que la limite Nord de la zone bloquée sera abaissée de manière à suivre à peu près la limite des eaux territoriales.
En conséquence, chaque Amiral enverra à son Gouvernement la dépêche ci-dessous :
Afin de diminuer l'étendue de la zone bloquée, les Amiraux ont décidé de modifier ainsi l'article relatif aux limites du blocus de la Crète :
La zone bloquée aura pour limite au Nord une ligne brisée partant du méridien 26° 30’ Est (Greenwich) par 35° 25’ de latitude Nord, allant couper par 35° 40’ le méridien de 25° 20’ (Greenwich) et rejoignant le parallèle 35° 48’ sur le Nord et Sud du Cap Spada.
Les limites à l’Est, à l’Ouest et Sud, resteront les mêmes.
L'Amiral Canevaro informe ses collègues qu’il fera conduire le 21 de Platanias à Nauplie, par un de ses navires, le personnel de la Croix-Rouge d'Athènes, dont il a été question à la séance du 16 Avril. Il profitera même de l'occasion pour envoyer de Crète ceux des volontaires italiens qui voudraient prendre passage sur le même bâtiment.
L’occupation du fort d’Izzedin et de son blockhouse a eu lieu dans la soirée du 18, ainsi que celle de l’îlot de La Sude ; les lignes d’Akrotiri ont été occupées dans la journée du 17. Les Turcs se sont retirés volontairement de ces lignes sur Kalepa.
Le Commandant Amoretti , ayant estimé qu'il n'y a pas lieu, pour l'instant, de faire occuper le fort de Perivolia, les Amiraux s'en rapportent à son avis. Au dire de cet officier supérieur, ce fort est capable, avec sa garnison turque, de résister à une agression et d'ailleurs, il est protégé par Soubachi, où se trouve une garnison internationale.
Il est convenu que les nouvelles qu'on a reçues du commencement des hostilités entre Turcs et Grecs, ne changeront en rien la situation établie en Crète entre les troupes internationales d’un côté, les Turcs, insurgés et réguliers grecs de l’autre. Tout ce qui a été décidé jusqu'à présent sera maintenu, et on en informera le Colonel Vassos, les autorités turques, ainsi que les Commandants Supérieurs internationaux, qui s’efforceront de le faire savoir aussi bien aux autorités turques, qu’aux chefs insurgés.
Au moment même où cette décision est prise, l'Amiral russe reçoit de son Gouvernement une dépêche dans le même sens.
Le Gouvernement turc avait suspendu les communications télégraphiques entre la Crète et la Grèce, même pour les Amiraux.
Dans ces conditions, les Amiraux ont demandé à se servir pendant 8 heures par jour, de la ligne de Crète à Alexandrie par Sitia.
Le Gouvernement turc a préféré rapporter son ordre et les correspondances se feront comme précédemment pour les Amiraux, mais avec des précautions pour les dépêches privées.
À bord de « l’Alexandre II », La Sude, le 20 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 53
Séance du 22 Avril 1897
L'Amiral Canevaro informe ses collègues que le « Vesuvio » est en route pour Nauplie, où il porte le personnel de la Croix-Rouge d'Athènes, composé d'une quinzaine de personnes et que le « Bausan » va escorter à Benghazi le transport de grec turc, qui y conduit avec leurs familles, les 150 Seliniotes condamnés à la transportation.
L'Amiral austro-hongrois informe ses collègues que les réfugiés de Kissamos ont été portés à La Canée par le « Sebenico » et que le calme est revenu pour l'instant sur ce point.

Le Sebenico
Le Gouverneur Ismaïl a écrit aux Amiraux une lettre dans laquelle il demande à prélever des fonds sur la surtaxe de 3 % qui sert à alimenter la caisse des Consuls.
Ces fonds lui sont nécessaires pour faire face aux dépenses nombreuses auxquelles est obligé le Gouvernement par la situation actuelle.
Au cas où les Amiraux ne pourraient accéder à cette demande, Ismaïl voudrait que la situation soit signalée aux Ambassadeurs.
Les Amiraux décident qu'il y a lieu de prendre à ce sujet, l’avis des Consuls et que, le Consul Général de France étant leur doyen, l'Amiral français se chargera de lui transmettre la lettre d’ismaïl en le priant de réunir ses collègues, ou de prendre leur avis.
À bord du « Kaiserin Augusta », à La Sude, le 22 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 54
Séance du 23 Avril 1897
À la suite de la séance du 20 Avril, le Commandant Amoretti a fait savoir au Colonel Vassos que les hostilités, commencées entre Turcs et Grecs, sur le continent, ne changeraient rien en Crète, à la situation des Puissances vis-à-vis des Turcs, des Grecs et des insurgés. Le Chef d’état-major du Colonel, en altérant cette phrase dans la réponse qu’il a envoyée au Commandant Amoretti, a mis d'une part les six Puissances et les Turcs, d'autre part les Grecs et les insurgés, ce qui lui a permis de dire qu'il ignore encore qu'il y ait alliance entre les six nations et les Turcs.
Le Commandant Amoretti lui répondra dans les termes suivants et en son nom personnel :
Monsieur le Colonel,
Il n'y a aucune alliance entre les Puissances représentées en Crète et la Turquie, non plus qu'avec la Grèce. Cela résulte de la lettre même dans laquelle je vous ai annoncé que les hostilités commencées sur la frontière turco-grecque ne changent en rien la situation en Crète.
Les Amiraux, qui ont pris sous leur protection tout le littoral de l’île, et aussi, les villes de ce littoral, continueront donc à exercer de leur mieux cette protection ; pour remplir ce but, ils entendent défendre tous les ouvrages qui commandent ces villes, aussi bien ceux sur lesquels est arboré, seul, le pavillon turc, que ceux où flottent des pavillons des Puissances. C'est ainsi qu'ils ont toujours invité les deux partis à conserver les positions sans avancer.
En empêchant le Gouvernement ottoman d'envoyer des renforts en Crète, en défendant aux troupes turques de s’avancer vers les insurgés, les Puissances se sont moralement obligées à dicter les mêmes devoirs aux Crétois, et il n'est pas douteux que si, de part et d'autre, ces sages conseils eussent été entendus, on eût évité de verser bien du sang.
Je me permets de vous les renouveler en vous affirmant, encore une fois, le désir des Amiraux de conserver leur neutralité et de n'être jamais obligé de quitter leur attitude conciliante.
Le Consul de Russie a demandé l'autorisation pour une dizaine de femmes, de passer de l'Akrotiri dans l'Apokorona. L'Amiral russe se chargera de les faire conduire à Kalivies.
Le blockhouse d’Animbali au-dessus d’Izzedin, a été attaqué dans la nuit du 22 au 23, par quelques insurgés. D'après les renseignements fournis par le Major Bor, commandant du fort et du blockhouse, les avant-postes sont suffisamment défendus pour qu'on n’ait à craindre aucune attaque.
On a demandé aux Amiraux, par l'intermédiaire de l’Amiral anglais, que le « Laurium », navire saisi le 20 Février, soit rendu à ses armateurs sous le prétexte qu'il a été pris avant la déclaration de blocus. Les Amiraux ne croient pas devoir accéder à cette demande.
À bord du « Sicilia » à La Sude, 23 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 55
Séance du 26 Avril 1897
Le Gouverneur Ismaïl, exécutant les ordres de son Gouvernement, a fait afficher que les sujets grecs devraient avoir quitté la Crète dans les 15 jours qui suivront cette sommation.
Les Amiraux estiment que dans la situation particulière de la Crète, il n'y a pas lieu de soumettre à cette mesure les sujets grecs habitant les villes protégées par les Puissances, à moins qu'ils n'y commettent des désordres.
Cette décision sera portée à la connaissance du Gouverneur Ismaïl et des différents Commandants des forces internationales.
L'Amiral italien fait savoir à ses collègues qu'il a envoyé à Hierapetra un détachement de 300 soldats et qu'il les y maintiendra tant que la situation du pays l'exigera, mais il compte les faire revenir à Candie dès que ce sera possible, à cause de l'insalubrité de Hierapetra.
L'autre moitié du bataillon est à Candie et un bataillon tout entier à La Canée.
L'Amiral Harris fait remarquer que la famine menace de plus en plus les villes occupées par les réfugiés musulmans et en particulier Candie, où existe une grande agglomération. Les Amiraux vont encore appeler sur ce point l'attention de leurs Ambassadeurs, et les prier d'insister auprès du Sultan pour qu'il soit envoyé des vivres.
L'Amiral anglais a reçu une dépêche de son Gouvernement dans laquelle il est dit qu'il y a toujours lieu de continuer un blocus sévère en ce qui concerne l'introduction des armes, munitions et matériel de guerre, mais qu'on pourrait apporter quelque tempérament à cette sévérité au point de vue des approvisionnements de bouche.
Les Amiraux décident qu'on fera savoir dans l’île, par l'intermédiaire des Commandants Supérieurs, qu’on pourra s'adresser à ces derniers pour obtenir l'autorisation de recevoir des vivres, mais en tout cas, ces vivres ne pourront parvenir à l'intérieur que par les villes occupées par les Puissances, et les navires continueront à s'opposer au débarquement des vivres, ailleurs que dans les villes occupées.
En ce qui concerne le prélèvement demandé par Ismaïl, sur la surtaxe de 3 % qui alimente la caisse consulaire, les Consuls ont émis l'avis unanime que cette caisse n'est pas destinée à subvenir aux dépenses du Gouvernement ottoman et les Amiraux ne peuvent avoir d'autre opinion.
Les Amiraux ont fait prévenir les insurgés de l’Apokorona qu'ils veulent avoir la libre circulation pour leurs troupes sur la route de la Sude à Izzedin ; ces derniers ont répondu qu'ils consulteraient ce sujet le Colonel Vassos. Il leur a été répliqué que les Amiraux ne demandaient pas de permission, informaient seulement qu'ils passeraient, mais qu'ils attendraient, pour le faire, jusqu'au mercredi 28 Avril, afin de ne pas troubler les fêtes de la Pâque grecque.
Un détachement d'environ 50 hommes de chaque nation fera ce mercredi la route de La Sude à Izzedin, sous la protection de deux navires qui seront mouillés sur la côte Sud de la baie.
Le Major Bor, commandant du fort d’ Izzedin, sera prévenu de cette marche.
À bord du « Sicilia », à La Sude, 26 Avril 1897
Le Commandant allemand signé : Koellner
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro